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Louise, artiste 

“Eklore, c’est une expérience d’oeuvre d’art en soi : un être ensemble qui nous déplace intérieurement (…). On part du plus intime et c’est ça qui permet d’ouvrir au plus universel” 

Témoignage recueilli le 30 avril 2020 

 

Louise, tu étais au Zénith le 8 mars à la fois en tant qu’artiste sur la scène pour nous offrir ta performance “Le Souffle des Particules”, et en tant que femme dans le public. Comment es-tu arrivée à Eklore et à Debout Citoyennes ?

Quand j’ai rencontré Eklore, lors du premier Debout Citoyennes, j’ai vécu 3 ou 4 heures de grande intensité collective, d’amour. Au début, face à cette émotion, j’ai eu peur moi-même d’être prise dans quelque chose de “gouroutique”, mais à chaque instant je me suis sentie libre. Et j’ai vu des femmes libres, exprimant leur pouvoir d’agir, un être ensemble, qui prend soin de l’autre à partir du “prendre soin de soi”. Je me suis reconnue en Eklore en tant que femme et artiste, comme si Eklore était en moi, et moi en Eklore. Eklore, c’est une expérience d’oeuvre d’art en soi : un être ensemble qui nous déplace intérieurement. C’est cette traversée qui m’importe, l’oeuvre est en devenir, en construction, une matière en train de se faire. C’est cette force intérieure en déploiement qui compte. Le reste on s’en fout. 

 

Quel est lien que tu fais entre Debout Citoyennes et votre performance artistique ?

Les deux sont de l’ordre de cette traversée intérieure. Le Souffle des Particules” passe par le prisme de mon corps. Mon corps est en mutation au contact de ce que je vis à l’intérieur de moi. Les gens m’ont dit qu’ils avaient vu une femme accoucher, une naissance, la perte d’un enfant… Ce qu’on fait est très cru, très direct, comme un premier cri, un premier souffle, archaïque, et qui libère. Nos corps s’érigent. C’est une mise à nue qui permet de revenir à ce qu’on est au tout début. J’ai aussi ressenti ça dans les femmes de Debout Citoyennes. En tombant les masques, elles étaient elles aussi au plus proche de leur corps, de leur coeur. C’est si simple, et pourtant on s’interdit cette liberté, on ne s’autorise pas à être cette femme guerrière, enfant ou sauvage. J’ai le sentiment d’avoir été ces 100 femmes, en me laissant traverser, comme si mon corps était en perpétuelle mutation. Chez Eklore, on part du plus intime et c’est ça qui permet d’ouvrir au plus universel. C’est la définition intrinsèque de l’oeuvre. C’est parce que c’est beau et fort que ça nous déplace du dedans, que ça nous met en mouvement. 

J’ai pleuré presque à chacune des paroles de ces femmes, non pas que c’était triste, mais parce que la transcendance de ce cette émotion libère. Devant la beauté infinie de ces femmes, ont ne peut que recevoir, c’est si rare. 

 

Quel est le moment qui t’a particulièrement marquée et que tu aurais envie de partager ? 

Ce n’est pas un moment en particulier, mais un tout, un regard omniscient sur ce qui s’est vécu, des valeurs, une éthique en commun. On voit sur les grandes scènes beaucoup de show business, des gens qui brassent de l’argent, où tout se vend. Là il n’y avait pas d’argent. C’est peut-être aussi même pour cela que c’était si beau. C’est ça qui m’a traversée, d’être là au Zénith sans répondre aux critères incontournables du show business. Cette liberté permet le jaillissement de beauté, d’envie, de partage… Mais sans jamais tomber dans quelque chose de “niais”, ou d’émotion non “digérée”, et ça c’est puissant. Ca nécessite un cadre subtile, pour être à l’écoute de ce jaillissement, sans se laisser déborder. Ce qu’Eklore nous fait vivre est très proche en cela de l’oeuvre, de l’artiste : c’est la disponibilité à soi et au monde, la quintessence du sensible, un moment de Kairos. Ce qui est important c’est cette oeuvre sensible que nous créons ensemble, l’alchimie collective, et pas l’ego d’une personne sur scène, d’un artiste ou la mesure de combien de participants. C’est comme l’Arche de Noé du féminin, de la vie, de l’écoute, de la fragilité. Nous avons vécu avec Debout Citoyennes une après-midi Monde. Le “Souffle des Particules” n’était qu’une particule de ce monde. 

C’est ça le vivant. Et le vivant implique la fragilité, une vulnérabilité que je sens dans mon corps, et dans celui de ces femmes “Debout Citoyennes”. Alors aujourd’hui quand je vois qu’on essaie de nous protéger de tout, de maintenir les gens en vie à tout prix… c’est une folie. C’est délirant de se couper de cette fragilité. Il nous faut revenir à notre début, au début de notre humanité. Nous sommes dans une évolution triste qui nous égare de nos corps, de l’autre et de ce rapport qui donne la vie. Nous avons besoin d’un retour au corps, au souffle, à la simplicité, à l’essentiel… et pas aux soi-disant critères de “réussite” actuels. 

 

Que gardes-tu au final de Debout Citoyennes, avec quoi tu repars d’essentiel ? 

Je garde de cette “après midi monde” la connexion à l’intérieur, à la vulnérabilité et à cet “être ensemble” qui est plus important que tout le reste. Tout ça est vecteur de sensible. L’art et la culture sont vecteurs et passeurs de cette énergie du sensible qui nous transcende. On fabrique de la matière à partir de ce qu’on vit. Eklore est ce vecteur et se passeur. 

 

Si ce dernier temps de l’interview, c’était toi qui le définissais complètement, de quoi aurais-tu envie de parler ?

Je dirais bravo à Eklore, continuez et gardez votre fureur de vivre et de faire, de faire ensemble et de prendre soin. Ça donne du sens à ma quête personnelle, à des valeurs communes au travers d’une rencontre éthique et sensible. Eklore, c’est du “commun inappropriable”, quelque chose de beau qu’on ne peut pas valoriser, sur lequel on ne peut pas mettre de l’argent, que le capitalisme ne peut pas s’approprier. C’est de l’oxygène, de la résistance sensible, de l’âme. Et sans âme, on meurt. 

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